La réparation, un maillon de l'économie circulaire
La loi économie circulaire, adoptée en janvier 2020, entend accélérer le changement des modèles de production afin de réduire les déchets et de préserver les ressources naturelles. Karen Delchet-Cochet, enseignante chercheuse en développement durable à l’ISC Paris, précise les nouveaux modèles à venir. « L’approche circulaire s’oppose à l’économie linéaire où l’on produit, on consomme, on jette. Elle s’inspire du cycle de la nature où tout est réutilisé. Le consommateur est encouragé à adopter de nouvelles pratiques : réparer, réutiliser, revendre, rapporter ». La réparation contribue ainsi à réduire l’impact sur l’environnement.
De la restauration à la revalorisation
La marque J.M.Weston produit « des chaussures qui durent » depuis 1891. Le principe d’atemporalité est inscrit dans son ADN. En témoignent son savoir-faire traditionnel hérité du cousu Goodyear mais aussi son service de « restauration », gage certain de qualité et de responsabilité. L’unité de réparation française est intégrée au sein de la manufacture de Limoges. Elle répare 10 000 paires par an en moyenne. Les chaussures vendues au Japon sont réparées, avec des pièces et selon des procédés originaux français, par le cordonnier Takumi à Tokyo depuis dix ans. La marque a accéléré une « réflexion profonde sur les actes de production et de consommation », affirme Olivier Saillard, en charge de la direction artistique. Le projet Winston Vintage, lancé en 2019, repose sur la réparation de chaussures usagées. Une fois revalorisés, les mocassins, derbys ou bottines sont remis sur le marché à des prix de seconde main.
Restaurer pour perdurer
Les produits de luxe, fabriqués dans les règles de l’art, sont conçus pour être quasi indestructibles. Ils ne sont pas à l’abri, cependant, de dommages dus au temps ou de négligences de la part de leur propriétaire. La fabrication d’un sac Hermès met en oeuvre une chaîne d’excellence totalement maîtrisée. Pierre Alexandre Bapst, directeur du développement durable chez le sellier, décrit son exemplarité. « Hermès crée un produit qui conserve ses propriétés et son intérêt dans le temps. C’est un produit durable qui se transmet. Son mode de production respecte les grands équilibres ». La matière représente un enjeu crucial car un beau cuir se bonifie avec le temps. Chaque sac porte ainsi la marque de l’artisan qui l’a façonné puis restauré si nécessaire. Plusieurs milliers d’articles passent entre les mains de techniciens expérimentés au sein de l’atelier de réparation situé à Pantin. Toute demande de réparation débute par un diagnostic complété par un devis. Il s’agit toujours de trouver le cuir le plus proche de celui d’origine. Afin de pouvoir agir plusieurs années après l’achat, l’atelier de réparation encode un échantillon de chaque nouveau cuir après « essai porté ». Il a aussi à sa disposition le Conservatoire des créations, où sont archivés les cuirs restants utilisés pour les sacs les plus anciens. Lorsqu’il n’existe plus d’échantillon, la maison Hermès s’appuie alors sur le savoir-faire de ses tanneurs pour recréer un cuir à l’identique.
Réparations nobles
La construction et les différents types de montage d’une chaussure conditionnent ses réparations possibles. Le ressemelage donne généralement une seconde vie à une paire de souliers surtout s’ils sont de très bonne qualité. Nicolas Maistriaux formé chez les Compagnons du Devoir est un fervent défenseur du produit durable. Il a repris le flambeau de l’atelier Clairvoy, bottier sur mesure du Moulin Rouge. L’atelier parisien, unique en son genre, est depuis 1945 spécialiste des chaussures de spectacles et des bottines de French Cancan, en particulier. L’artisan bottier veille avec rigueur à chacune des étapes de fabrication, réparation comprise. Car dit-il, « une artiste du Moulin Rouge garde ses chaussures pendant cinq ans et possède en moyenne une dizaine de paires. La plus value de notre atelier tient à son savoir-faire spécifique lié à la réparation. Le SAV représente 100% de la réussite de notre maison ».