La seconde vie du cuir
La mode contribue à l’évolution esthétique de notre société mais elle est considérée comme la seconde industrie la plus polluante du monde. Le marché de la chaussure est aussi l’un des plus chahutés. Face à l’épuisement des ressources mondiales causé par la surconsommation et le gaspillage, de nouveaux cercles vertueux émergent. En témoigne l’essor du marché de la seconde main qui pourrait dépasser celui de la « fast fashion » d’ici dix ans. Les générations Y et Z (30 ans et moins), plus favorables à l’usage qu’à la possession, sont particulièrement sensibles aux nouveaux modèles responsables. L’innovation est la clé d’une mode alternative. Le cuir, par essence durable, donne l’exemple en se mettant au service de l’économie circulaire.
LE CORDONNIER, PROFESSIONNEL DE LA RÉPARATION
Le cordonnier est le métier par excellence qui lutte contre l’obsolescence programmée et milite en faveur de la réparation. Longtemps jugé peu attractif, il a vu sa formation se raréfier au fil des ans. Pourtant, ce métier ancien, manuel, au savoir-faire transmis depuis des générations, ne se limite pas au « talon minute » ! Le cordonnier réparateur est un artisan qui en remettant à neuf une chaussure abimée, lui donne une seconde vie. Cuir, talon, semelle n’ont pas de secret pour lui. A l’art du ressemelage, s’ajoutent des techniques de maroquinerie et de couture, nécessaires pour « remettre sur pied » des accessoires endommagés. Pour pérenniser l’activité, le cordonnier réparateur a dû se diversifier et faire preuve de polyvalence à travers le multi service et la vente de produits d’entretien. Une génération de « néo artisans », portés par des alternatives durables, redécouvrent aujourd’hui les valeurs d’héritage, de transmission inhérentes aux métiers traditionnels. Bruno Desbois, formé en botterie cordonnerie chez les Compagnons du Devoir, est l’un d’entre eux. Il a installé l’Atelier Desbois en 2017 dans une ancienne cordonnerie pour « dépoussiérer » un métier de proximité et d’échanges.
REMISE A NEUF DE LA SNEAKERS
La sneaker, modèle phare du sportswear, connait un renouveau sans précédent depuis que la mode l’a massivement adoptée dans ses collections masculines et féminines. Succès oblige, elle alimente un marché de seconde main de modèles neufs estimés en 2019 à un milliard de dollars par an. Entretenir l’état d’origine d’un objet aussi convoité n’intéresse pas que les collectionneurs… Les nombreuses matières, par ailleurs utilisées dans la fabrication d’une basket, nécessitent un soin particulier. Restaurer des produits usagés et les remettre d’aplomb passe par une réhabilitation totale. Sneakers&Chill - fondé par trois Parisiens - a ouvert la voie en France à une nouvelle génération de spécialistes du nettoyage. Dans la boutique atelier ouverte en 2016, l’équipe savonne, traite les matériaux, déjaunit la semelle, repeint si nécessaire, voire customise selon les envies. Un nettoyage en profondeur porté par les valeurs plébiscitées du vintage et du développement durable.
PAIRES DE SECONDE MAIN
Consommer moins mais mieux, c’est le moteur de la « slow fashion » qui guide une logique renouvelable en plein essor. La marque Bocage du groupe Eram est la première à tester la location de chaussures, un concept novateur qui fait l’objet d’un process breveté. « C’est un projet qui réinvente la distribution, génère de la croissance tout en s’inscrivant dans un système d’économie durable », explique Clémence Cornet, en charge du marketing. Portées pendant deux mois, les chaussures sont ensuite recyclées et revendues moitié prix. Afin qu’elles retrouvent leur état d’origine, la manufacture de Monjean-sur-Loire a investi dans un équipement de reconditionnement et intégré un poste de cordonnerie. Ce service pionnier s’est déployé avec succès en 2019 dans plus de trente boutiques Bocage. « Il a rajeuni notre clientèle, assure la responsable. Les 25-30 ans s’abonnent spontanément en ligne. La femme de 40 ans a besoin d’être accompagnée en boutique avec un argumentaire précis. Notre monde est en mutation. C’est aux marques de s’engager dans de nouvelles voies. Le consommateur d’aujourd’hui attend des marques qu’elles leur soient utiles ».