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La marche dans l'histoire de la chaussure

La chaussure est cet accessoire indispensable, porté au quotidien dans le monde entier. Elle protège le pied depuis toujours mais son rôle dépasse largement sa fonction utilitaire. Quels que soient sa forme et ses matériaux, la chaussure en dit long sur l’évolution de la marche depuis ses origines.
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Jusqu’au XIXème siècle, les sols irréguliers, voire boueux, ne facilitent pas la marche. Non seulement, les chaussures, résistent mal aux déplacements mais les classes privilégiées réservent aux salons leurs élégants souliers. L’objet pratique qu’est la chaussure et son pouvoir social font la paire au cœur d’une histoire de 10 000 ans.

Un rôle protecteur puis social

Protéger le pied contre les agressions du sol et du climat constitue l’essence même de la chaussure. C’est pourquoi, la botte, la sandale, le soulier caractérisent les trois types de chaussures originels. La botte - apparue pour la première fois dans les steppes asiatiques - est adoptée par les peuples cavaliers et les tribus nomades. La sandale se prête naturellement aux contrées chaudes, le soulier aux régions montagneuses et rudes. C’est justement un soulier recourbé à son extrémité qui est considéré comme le plus ancien représentant de la chaussure. Quel que soit son pays d’origine, la chaussure adapte d’abord ses qualités matérielles à la vie rurale. Les Grecs de l’Antiquité ont emprunté leurs sandales aux Egyptiens et la semelle en cuir se nouait sur le coup de pied. Les chaussures des Romains, qui dominent le monde méditerranéen et ouest-européen du Ier au Vème siècle, se diversifient et s’enrichissent au fil du temps. Au début de l’Empire, le port des souliers est strictement réglementé et subordonné aux distinctions sociales. Seuls, les citoyens romains étaient ainsi autorisés à se chausser. Après le déclin de l’Empire romain, il faudra attendre le XIIème siècle pour que la chaussure prenne un nouveau virage.

Différenciations en marche

Le modèle européen, qui fait ses premiers pas, va marquer durablement les siècles à venir. Alors que le peuple et le bas-clergé vont nu-pieds ou en sabots, le soulier confère son rang social à la chevalerie, au clergé, à la haute noblesse. Les différents modèles se transforment avec les époques. La poulaine, par exemple, avec son extrémité pointue, rappelle la période gothique tandis que la Renaissance inspire des coloris et des matériaux opulents. La botte s’adapte au mode de vie militaire et se diversifie sous le poids des tensions politiques au XVIIIème siècle puis des guerres napoléoniennes. La pantoufle, elle, accompagne l’émergence du style « rococo » au XIXème siècle. D’autres distinctions majeures opèrent. On doit à l’aristocratie, toute puissante au Siècle des Lumières, de distinguer concrètement chaussure masculine et féminine. Par ailleurs, la construction du pied gauche et du pied droit, qui avait été abandonnée à la chute de l’Empire romain, se généralise réellement à la fin du XIXème siècle. Ces deux fondamentaux du confort acquis, la chaussure ne va cesser d’accélérer son développement. La cambrion métallique - une invention américaine vers 1850 - permet ainsi de soutenir la voûte plantaire et de solidifier durablement la chaussure. Les chaussures de sécurité font leur apparition dès 1904, celles de course ouvrent la voie au marché porteur du sport. Le premier défilé de mode en 1915 marque les esprits en dévoilant pour la première fois les chevilles et la partie inférieure des jambes de la femme. Chaussure et mode, soutenues par des artisans bottiers de renom (André Perugia, Roger Vivier, Raymond Massaro …) et une industrie devenue mondiale poursuivront leur dialogue riche et novateur les décennies suivantes.

Des souliers pour ne pas marcher…

Les chaussures sont indispensables au mouvement, plus précisément au « déplacement piéton ». Pour autant, elles ne sont pas toutes vouées à la marche… C’est tout le paradoxe d’une pièce vestimentaire qui ne recule pas, parfois, devant l’entrave, la contrainte, voire l’empêchement. Les interventions les plus formelles s’observent principalement sur les chaussures féminines. Celles qui s’éloignent le plus de la nature du pied visent à idéaliser une partie du corps longtemps demeurée cachée. En témoigne ainsi la chopine ou patin vénitien, une curiosité apparue en 1570 et qui permettait aux dames de haut rang de s’élever sur une semelle en forme de socle. Le créateur Christian Louboutin en livra sa version en 1995 : « C’est un soulier antiféministe mais aussi un piedestal. Un soulier de déesse ». L’Occident dès le XVIIème siècle considère le petit pied féminin comme un signe de vertu et de noblesse. Bientôt qualifié de « mignon », il incarne l’Idéal féminin aristocratique et devient objet de désir. Le bandage des pieds destiné à en modifier l’anatomie n’est pas réservé aux Chinoises. A la cour de Louis XVI, les souliers étaient si étroits qu’il était impossible de marcher. Le XIXème siècle bourgeois partage aussi le culte du pied contraint. La bottine à (dé)boutonner se décline alors sous toutes les coutures. La chaussure fut longtemps rudimentaire, inadaptée à une utilisation excessive comme pouvait l’être un accessoire de parade. Si le fétichisme et les créations expérimentales ponctuent toujours l’histoire de la chaussure au XXème et XXIème siècles, c’est le confort qui désormais dicte la marche…  

Chopine en cuir de Cordoue et velours de 1995 - Christian Louboutin